Rédigé par Emily Goldsack, consultante en R&D
L’intelligence artificielle générative (IA générative, ou GenAI) est une avancée technologique majeure qui bouleverse le marché du travail à bien des égards. Une étude menée par Cibyl for the ISE a révélé que la moitié des étudiants utilisaient déjà l’IA pour les aider lors des process de recrutement. Parce qu’ils constituent la première génération à avoir grandi en immersion totale dans la technologie, il est crucial d’évaluer comment les candidats de la génération Z tirent parti de l’IA générative et remodèlent le marché de l’emploi. Chez Talogy, nous avons mené une mondiale pour recueillir les points de vue des responsables du recrutement et des professionnels en début de carrière sur l’utilisation de l’IA générative au cours du process de recrutement. Dans cet article, nous explorerons certaines de nos conclusions et proposerons des suggestions sur la façon dont les organisations peuvent se préparer à l’essor continu de l’IA dans le monde de l’évaluation.
Qu’est-ce que l’IA générative et pourquoi devrions-nous nous en préoccuper ?
Les outils d’IA générative tels que ChatGPT, DALL-E et Gemini utilisent des algorithmes d’apprentissage automatique pour générer presque instantanément de nouveaux contenus textuels, vidéo et audio. Ils ont rapidement gagné en popularité ces dernières années, et bien qu’ils aient le potentiel d’améliorer l’évaluation et le développement des talents, leur impact sur le process de recrutement suscite également des inquiétudes.
L’une de ces inquiétudes concerne la capacité de ces outils à aider des candidats à obtenir un avantage injuste dans le process de sélection. Par exemple, 70 % des demandeurs d’emploi signalent un taux de réponse plus élevé de la part des entreprises lorsqu’ils utilisent ChatGPT pour les aider à rédiger leur CV ou leur lettre de motivation. Ces chiffres suggèrent que les outils d’IA générative peuvent déjà influencer les dynamiques de recrutement et créer des conditions de concurrence inégales pour les candidats.
En outre, la tricherie avec l’IA peut compromettre la validité psychométrique des évaluations, ce qui conduit à un plus grand nombre de candidats inadaptés aux étapes ultérieures du process de sélection. Mais que cela signifie-t-il pour les employeurs et comment peuvent-ils renforcer leurs process de recrutement pour limiter les risques associés à la l’IA ?
Explorer le lien entre l’IA et la tricherie dans le recrutement des jeunes talents
Tout d’abord, il est utile d’analyser les attitudes et les comportements actuels concernant l’utilisation de l’IA générative. Dans le cadre de notre recherche, nous avons interrogé 560 responsables du recrutement, 564 professionnels en début de carrière et 138 demandeurs d’emploi dans 26 pays. Nous avons exploré leurs points de vue sur l’IA générative et la mesure dans laquelle les candidats sont susceptibles d’utiliser ces outils lorsqu’ils postulent en début de carrière.
Lorsque nous avons interrogé les responsables du recrutement, nous avons constaté que 65 % d’entre eux sont assez ou très préoccupés par le fait que les candidats utilisent l’IA pour tricher lors des évaluations de recrutement. Cela fait écho à ce que nous avons entendu dans les conversations, suggérant que l’utilisation de ces outils représente une préoccupation urgente pour les employeurs aujourd’hui. Toutefois, il convient de noter que lorsque nous avons interrogé les responsables du recrutement de manière plus générale sur les défis qu’ils rencontrent en matière de recrutement de jeunes diplômés, cette question n’a pas été fréquemment mentionnée. Ils semblaient se concentrer davantage sur les lacunes perçues en matière de compétences, la garantie d’une bonne adéquation, l’alignement des attentes salariales et le contexte concurrentiel pour attirer les meilleurs talents.
Ensuite, nous avons voulu explorer la question suivante : « Les professionnels en début de carrière utiliseront-ils ces outils pour tricher lors des évaluations ? »
Parmi les personnes interrogées, 58 % ont déclaré qu’il était peu probable ou pas du tout probable qu’elles utilisent des outils d’IA générative pour effectuer des évaluations de recrutement. Il semble que dans toutes les zones géographiques, une proportion notable de la population des jeunes talents hésite à utiliser ces outils. Parmi les demandeurs d’emploi en particulier, seuls 22% ont déclaré utiliser l’IA pour réaliser des évaluations au cours de leur recherche d’emploi.
Note : Ces résultats sont basés sur l’échantillon combiné des professionnels en début de carrière et des demandeurs d’emploi (n = 702).
De plus, seuls 15 % des professionnels en début de carrière et des demandeurs d’emploi ont déclaré qu’ils seraient très ou extrêmement susceptibles de l’utiliser. Ces chiffres n’indiquent pas que la tricherie est très répandue à l’heure actuelle, mais ils suggèrent que le sujet mérite tout de même une attention et une vigilance permanentes.
C’est ce que nous avons fait chez Talogy, en surveillant continuellement les scores des évaluations existantes qui sont utilisées dans le cadre de recrutements volumiques. Nous n’avons pas trouvé de différences notables dans les scores moyens avant et après la sortie de ChatGPT avec de grands échantillons de candidats, ce qui prouve que l’IA générative n’a pas d’impact réel sur les scores d’évaluation jusqu’à présent. Cependant, c’est un point que nous continuerons à surveiller et sur lequel nous ferons des rapports au fur et à mesure que l’utilisation de l’IA se développera et évoluera à l’avenir.
Pour en savoir plus, nous avons interrogé les demandeurs d’emploi sur leurs motivations à utiliser l’IA générative. Nos résultats ont montré que les candidats en début de carrière utilisent l’IA comme un outil pour améliorer leurs idées et leurs réponses écrites, plutôt que comme une méthode pour tricher en obtenant toutes les réponses. Nombre d’entre eux ont déclaré qu’ils hésitaient à l’utiliser parce qu’ils voulaient montrer leur vraie personnalité. Ils ont estimé qu’il serait malhonnête ou qu’ils pourraient être disqualifiés du process. D’autres ont dit qu’ils n’avaient pas confiance dans la fiabilité ou la précision de ces outils pour les aider dans des contextes d’évaluation à enjeux élevés.
Quelques bonnes pratiques pour gérer l’utilisation de l’IA générative dans les évaluations
Étant donné que l’IA peut injustement avantager certains candidats et réduire la validité psychométrique, les employeurs doivent réglementer son utilisation dans le cadre de leurs process d’évaluation. Pour comprendre les mesures à prendre, nous avons demandé aux demandeurs d’emploi dans quelle mesure ils seraient susceptibles d’utiliser l’IA s’il était stipulé qu’elle était interdite. Dans notre étude, 85 % ont déclaré qu’il était peu probable ou pas du tout probable qu’ils l’utilisent, ce qui suggère que les candidats ne sont pas motivés pour tricher, en particulier lorsqu’ils ont reçu l’instruction de ne pas le faire.
Cela montre que de petites mesures – comme le fait d’indiquer clairement que l’utilisation de l’IA est interdite – peuvent dissuader efficacement les candidats de tricher. Nous recommandons aux organisations d’indiquer clairement aux candidats, dès le début du process de recrutement, ce qui constitue ou non une utilisation appropriée des outils d’IA générative dans le cadre de leur process de recrutement. Une approche pratique de la mise en œuvre consiste à inclure des déclarations ou des » contrats d’honnêteté » dans lesquels les participants s’engagent d’emblée à ne pas utiliser l’IA pendant les évaluations. Ils peuvent également inclure la possibilité d’effectuer ultérieurement une nouvelle évaluation en personne afin de reproduire les résultats et de valider leurs compétences et aptitudes pour le poste.
Cela permettrait également de dissiper une partie de la confusion entourant la façon dont l’utilisation de l’IA générative est perçue dans le process de recrutement. Notre étude a révélé que certains candidats pensent que les outils d’IA générative seront autorisés (42 %), d’autres pensent qu’ils ne le seront pas (41 %) et d’autres encore ne sont pas sûrs (17 %). La plupart pensent qu’ils seront autorisés pour les CV et les lettres de motivation, mais pas pour les tests d’aptitude, les entretiens et les assessment centers. Cela souligne l’importance pour les organisations de communiquer aux candidats des directives claires sur l’utilisation de l’IA générative à chaque étape du process.
Les employeurs peuvent également prendre les mesures suivantes pour évaluer efficacement leurs process actuels et atténuer les risques associés à l’IA :
- Contrôle des scores – Contrôlez les tendances des scores de vos évaluations au fil du temps afin de vérifier s’il existe des preuves de tricherie, indiquées par des différences notables dans les scores. Commencez par vous concentrer sur les évaluations les plus risquées, telles que les évaluations traditionnelles des capacités cognitives ou les tests de jugement situationnel (SJT) à choix forcé. Cela peut également vous aider à vérifier si vos évaluations conservent leur validité. Bien que la tricherie ait toujours été une préoccupation et qu’elle le restera à l’avenir, le plus important est de s’assurer que les évaluations permettent de prédire des performances élevées.
- Évaluer les formats d’évaluation – Étudiez dans quelle mesure les différents formats de tests sont susceptibles de générer de la tricherie avec l’IA générative. Les tests interactifs ou ceux qui impliquent des formats de réponse plus complexes – par opposition à une bonne ou une mauvaise réponse – ont tendance à être plus résistants (par exemple, certains tests de jugement situationnel). Essayez de mettre en œuvre ces modèles dans la mesure du possible. Par exemple, vous pourriez remplacer un test traditionnel d’aptitudes cognitives par un format plus interactif tel que l’évaluation Mindgage de Talogy qui évalue la façon dont les candidats abordent l’exercice, plutôt que la seule réussite de l’exercice.
- Fonctionnalités technologiques – Envisagez de mettre en œuvre des fonctionnalités technologiques pour décourager la tricherie, par exemple en bloquant les fonctions de copier-coller, ce qui rend plus difficile le transfert de contenu dans des outils tels que ChatGPT. Cela peut être un moyen de dissuasion efficace, en particulier pour les évaluations chronométrées, car cela signifie que l’utilisation de ces outils devient un obstacle à la performance du candidat et à sa capacité à terminer l’évaluation. Le suivi à distance des évaluations en ligne est également une option pour une sécurité maximale, bien que le coût de sa mise en œuvre et l’impact négatif potentiel sur l’expérience du candidat puissent l’emporter sur les avantages.
Adapter le recrutement au monde de l’IA générative
Étant donné que les candidats en début de carrière constituent sans doute la génération la plus à l’aise à ce jour lorsqu’il s’agit de tirer parti de la technologie, il n’est pas surprenant que l’on s’interroge sur la manière dont ils l’utiliseront lorsqu’ils entreront sur le marché du travail. Bien que la tricherie dans les process d’évaluation en ligne ait toujours été un problème, il s’agit d’une nouvelle méthode qui nécessite des approches innovantes pour gérer son impact sur les évaluations.
Nos résultats suggèrent qu’il n’y a pas de tricherie généralisée avec l’IA générative, mais il est toujours nécessaire de protéger votre process de recrutement contre les risques potentiels. Dans le même temps, les organisations doivent se concentrer de manière globale sur le process de recrutement, en gardant à l’esprit d’autres facteurs importants tels que l’adéquation entre le poste et la culture, les lacunes en matière de compétences, ainsi que l’attraction et la afin de s’assurer que le process de recrutement conserve son intégrité et aboutisse à des recrutements de qualité.